Pourquoi êtes-vous avocat ? à Bernay


Fils d'instit

On est toujours l'enfant de son enfance. Je n'ai donc pas échappé à cette fatalité. Si je suis avocat, c'est par ce que, d'une certaine manière, je l'ai toujours été. En fait, c’est de famille. Je m'explique : mon père était instituteur en classe unique de campagne. Je fus son élève durant tout mon primaire. Pas vraiment marrant, le père Jalet. Un peu grande gueule, la main leste quand les gamins ne filaient pas droit, il était du bois de ces vieux instits moitié anars, moitié communistes qui ne comptaient pas leur temps. Il était capable de vous transformer une peinarde journée de classe de six heures, en bagne de huit heures, simplment parce qu'il fallait faire apprendre aux gosses, coûte que coûte… Il tenait son rang dans la commune, mais pouvait aussi bien aller filer un coup de main à un agriculteur et savait vous siffler d'une traite son verre de calva...
Ma mère travaillait à la Sécu ( la sécurité sociale ) dont elle était simple employée ; mais souvent le soir, elle recommençait une autre journée de boulot en recevant à la maison les gens des environs confrontés à des problèmes d'argent, de remboursement de soins ou, plus généralement à des problèmes de vie. C'est entre ces deux-là, qui s'engueulaient souvent, que j'ai grandi. Chez nous le service des autres n'était ni une idée ni un slogan, mais une pratique de tous les jours. Du coup, ado, je me suis demandé si je n'allais pas me faire curé vu que mon père disait toujours que Jésus était le premier communiste au monde… Je dois confesser que la fréquentation des jeunes filles m'en a dissuadé !

De la fac à l'usine

C'est d'ailleurs sur le conseil de l'une d'entre elles, que je me suis orienté vers les études en droit : « Toi qui ne supportes pas l'injustice et qui n'arrêtes pas de causer, tu devrais faire avocat. » Au début, je n'y étais guère à l'aise. Trop de fils et de filles de bourgeois sur les bancs de la fac où le jeune campagnard que j'étais devais poser ses fesses. Il est vrai qu'en parallèle, dans les premiers mois, je bossais à la Télémécanique, dans l'atelier des presses à emboutir. Pas vraiment la même ambiance ! En réalité, si l'idée de justice m'était chère, le droit m'était totalement étranger. Il ne m'intéressa vraiment que lorsque j'eus la chance de rencontrer de grands professeurs tels Antoine Lyon-Caen, l'un des plus éminents spécialistes français du droit du travail, Les regrettés Patrick Courbe,Président de l'école doctorale de Haute-Normandie, et Jacques Héron, Alors doyen de la faculté de droit de Caen, grands intellectuels auxquels je veux, en passant rendre hommage et qui devinrent mes amis. Avec eux, j'ai compris que le droit était au corps social comme le sang au corps humain, essentiel à son fonctionnement.

Aujourd'hui

Aujourd'hui, ayant pas mal bourlingué, comme mon père et ma mère en leur temps, je fais ce que je peux pour aider les autres. Comme eux, à l'image d'un vieil adolescent romantique un peu fatigué, je continue de me révolter contre la connerie et l'injustice. Mais, si en plus de 30 ans d'exercice, j'ai pu apprendre quelque chose , c'est que le combat judiciaire n'est pas toujours le meilleur moyen d'arranger les choses, qu'un peu de pédagogie, sous l'éclairage du droit, bien sûr, bref, un peu d'huile dans les rapports humains permettent parfois de dépasser les stupides notions de perdant et de gagnant, lesquelles ne procurent qu'une satisfaction bien vaine. De plus en plus, Je m'efforce d'inciter à la médiation, à la conciliation, à défaut de réconciliation. Certes, cela rapporte moins en argent au professionnel que je suis, mais , intérieurement, nettement plus…à l'homme.
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